Osons atteindre de nouvelles altitudes

Un voyage de résilience et de courage

Il y a une semaine, j’ai eu la chance et le privilège d’aller dans la région de Saas-Fee afin de faire l’ascension du Nadelhorn (4327 m). Mes compagnons de cordées étaient notamment constitués de ma fille et de ma nièce dont c’était le premier 4000 m. 

Le premier jour a été consacré à la montée jusqu’à la cabane Mischabelhütte (3340 m), soit un dénivelé positif de 1550 m. 

En arrivant à Saas Fee on voit la cabane. Ce n’est pas bon signe, cela veut dire que la montée sera rude ! 

À la suite de mon accident, il y a un peu plus d’une année, je dois constater que je n’ai pas encore retrouvé complètement ma forme physique. 

La première partie de la montée n’est pas difficile techniquement mais le poids du sac et la verticalité me fond prendre conscience qu’il y a un décalage entre mon cerveau et mon corps.

Mon cerveau se rappelle que je suis capable de monter ce genre d’ascension sans relativement trop de difficultés, mais mon corps me rappelle à chaque pas qu’il n’est pas encore totalement prêt.

La deuxième partie de la montée me donne une relative sérénité. Plus technique et encore plus verticale, je dois utiliser mes mains pour grimper dans les rochers, ce qui répartit l’effort et le poids. 

Le dernier mètres avant la cabane me remplissent de doutes quant à atteindre le sommet le lendemain, sachant qu’une montée de dénivelé positif est à prévoir, sur le glacier avec les crampons. 

Après un bon repas, nous nous réunissons tous les 5 pour convenir d’une stratégie pour le lendemain dont le départ est prévu à 3h30.

D’entrée je fais part de mes doutes sur mon ascension, sans toutefois y renoncer complètement (demain étant un autre jour). Nous devons également prendre en compte une météo qui se dégrade sérieusement à partir du milieu de la matinée. Cela implique une ascension assez rapide afin de revenir rapidement dans des lieux moins hostiles. 

Quand j’entends le mot « vitesse », je sais que ce sera difficile pour moi. Chacun expose ses objectifs et ses impressions pour le lendemain. 

Grace à cette discussion, nous arrivons à définir notre scénario, soit deux cordées. La première sera en mode « rapide » afin d’atteindre le sommet dans un horaire optimal. La deuxième, dont je fais partie, ira jusqu’au col du Windjoch, point de décision sur la suite de l’ascension.

La discussion est honnête et franche, ce qui permet à chacun d’être en accord avec les décisions qui sont prises. Je me sens à l’aise car j’ai pu exprimer mes doutes et aussi mes envies, soit d’atteindre cet objectif. Je sais aussi qu’il va falloir s’adapter à la situation du lendemain. 

En montagne tout peut changer très vite, la météo comme la gestion de l’effort. Et surtout, que je n’ai aucune emprise sur ses deux éléments.

La nuit se passe bien et c’est bien à 3h30 que notre petite troupe se met en route, directement depuis la terrasse de la cabane, pour une montée quasi verticale jusqu’à atteindre la neige, la glace. 

Ce départ a des allures de montée au Cervin dont j’ai vu des images saisissantes de départ dans la nuit. Après une petite heure à la lampe frontale, nous mettons les crampons pour évoluer sur le glacier. 

Au début, la pente est plus douce et me laisse un relatif répit avant de reprendre de plus belle. J’essaye de garder un rythme constant afin de ne pas m’arrêter. En effet, l’énergie qu’il est nécessaire de déployer à cette altitude, pour se « remettre » à chaque fois en route n’est pas idéale. 

J’avance bien…mais trop lentement. La cordée « forte » est bien devant et ne s’arrête pas, comme convenu au Windjoch. Elle est dans les temps et je suis heureuse que toutes les conditions soient réunies pour que ma fille et ma nièce puis atteindre le sommet dans les délais. La météo est parfaite (peu de vent et températures clémentes). 

Une demi-heure derrière le groupe de tête, force est de constater que le timing va être très serré pour mon guide et moi et ainsi être au sommet à 7h30 maximum, nous permettant ainsi de redescendre avant l’orage. 

Deux options me sont proposées : 1) tenter tout de même le sommet en sachant que nos chances sont minces nous dirigeant vers un aller-retour sans sommet, 2) faire un autre sommet à notre droite, le Ulrichshorn à 3925 m. 

Quelle chance d’avoir deux choix. Je sais que cela n’est pas forcément possible sur toutes les courses. Il évident que la première option est alléchante et la promesse du sommet de plus de 4000 m. Il est évident aussi que ma forme physique actuelle met une grande hypothèse au succès de cette tentative. La deuxième option serait donc parfaite. 

Le plan B devient le plan A ! D’ailleurs qui a dit que le plan B était moins bien que le A ? Je regarde l’aube et ses couleurs magnifiques, tous les sommets alentours qui sont déjà dans les orages, le sommet du Nadelhorn qui joue déjà avec les nuages et les autres cordées qui y montent gentiment. Un profond sentiment de plénitude m’envahit car je sens que je suis privilégiée d’être là !

Je suis là où j’aime hêtre, au cœur de ces montagnes. Oui, je souffre mais je suis en bonne santé. Je sais que ma forme va revenir car je m’entraine et j’apprivoise du mieux que je peux ma patience. 

Alors c’est heureuse, et confiante en moi, que je me remets en route avec la précieuse compagnie de mon guide Jordan. Lorsque j’arrive au sommet mon cœur est gorgé de soleil qui est encore timide au loin. 

Je suis fière de ma fille et de ma nièce qui sont encore « dedans » et je suis fière de moi car j’ai pris la bonne décision ! Oui, la bonne décision car le sommet n’est pas la fin ! Ce n’est qu’un passage. Un passage avant la descente, un passage avant le pas suivant, un passage que la montagne a bien voulu me permettre d’atteindre aujourd’hui. 

Lorsque je prends Jordan mon guide dans mes bras, je lui si reconnaissante de m’avoir aidé à arriver ici et aussi d’avoir été patient avec moi ! 

Si petite sur ce bout de montagne, je suis humble et respectueuse devant cet environnement hostile. Avant de redescendre, je me rappelle que d’autres que moi y font des choses bien plus extraordinaires et d’autres aussi restent sur leur canapé. 

Chacun son chemin, chacun sa route. Je fais la mienne, à mon rythme, pas à pas. 

L’aventure continue !

MERCI à Johann et Jordan de nous avoir accompagné dans cette aventure 🥰

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